« Traité d'athéologie »
L'athée n'est pas par définition subversif, mais, dans un monde dominé par le religieux, il le devient de fait. L'idée de l'athéisme comme croyance est attendue... Bien sûr, on observe un déclin de la pratique de la religion chrétienne en Europe, mais c'est ce qui reste de judéo-chrétien dans les cerveaux ou dans les inconscients qui m'intéresse. Lorsque j'ai publié mon premier livre, en 1989, l'athéisme semblait acquis, il était serein. Le gouvernement Raffarin, par nombre d'aspects, réactive les vieilles valeurs chrétiennes : le travail comme vertu (d'où l'abolition des 35 heures, le recul de l'âge de la retraite), la famille comme horizon indépassable (d'où le refus du mariage homosexuel). Sans parler des positions personnelles antiavortement d'un ex-ministre de la Santé...
Dans la conception judéo-chrétienne du libre-arbitre, j'ai choisi d'être philosophe et Dutroux a choisi d'être pédophile. Or Marx et Freud nous montrent qu'il existe des déterminismes et qu'on ne choisit pas librement ce qu'on est et qui on tue (ou pas). Les parents, le milieu, l'époque et bien d'autres facteurs contribuent à notre identité. Je n'oublie pas que ces déterminismes procèdent aujourd'hui du libéralisme (devenu religion d'Etat dans nombre de pays), qui génère une négativité et une frustration sexuelle, psychologique, affective immense dont on ne veut pas voir les conséquences. Je vous rappelle qu'il y a peu de gens diplômés de l'enseignement supérieur dans les prisons... De fait, je suis bêtement de gauche : pour moi, la prévention est préférable à la répression, et seule la pratique active de la première en amont justifie qu'on puisse recourir à la seconde.
Les religions ont des interdits, et c'est grave, car dans le contexte du livre, il s'agit d'interdits précis - alimentaires, rituels, sexuels, vestimentaires - et non d'interdits majeurs et nécessaires parce que fondateurs de la communauté éthique, sociale, politique. Ces derniers doivent être peu nombreux et radicaux. En revanche, dans la vie quotidienne, trop interdire empêche qu'on respecte ce qu'il faut vraiment s'empêcher de transgresser. J'entend libérer la sensualité de toute culpabilité.
Mon livre est un procès à charge qui réjouira ceux qui pensent vivre un retour de l'obscurantisme. Il y aura un âge postchrétien, mais il n'existera jamais de civilisation totalement délivrée de la religion. Ce n'est pas une raison pour que les philosophes ne fassent pas leur travail, qui est de contribuer autant que faire se peut au règne de la Raison. C'est pour cela qu'en philosophie comme en politique je travaille de ce côté de la barricade : à gauche, sans Dieu ni clergé. Je tiens en piètre estime les intellectuels qui professent l'athéisme et l'esprit fort pour leur caste rive gauche, mais trouvent la religion nécessaire pour tenir le peuple en laisse. Ces athées d'opérette qui pratiquent la génuflexion au Vatican avant de faire retour au Flore en évitant Billancourt ont une responsabilité considérable dans l'état de misère mentale de notre époque. Pour moi, il y a une antinomie radicale entre la religion catholique apostolique et romaine et la gauche, en tout cas celle qui m'intéresse, la gauche laïque, anticléricale. Car, contrairement au chrétien, l'homme de gauche veut le paradis sur Terre."
Tous ca est fort bien dit.
Michel Onfray , « Traité d'athéologie » (Grasset)
4 Comments:
l'homme a créé dieu...cela me parait difficilement contestable,et lorsqu'on dit ,aujourdhui ,qu'on instrumentalise une religion,cela me parait etre un euphemisme:la religion est un instrument./
alors ,bien sur,la philosophie tente d'apporter des réponses aux questions que se posent l'humanité...mais si les philosophes ont l'art de poser les bonnes questions ,aucun n'y a répondu ,à ce jour...et le raisonnement ne peut nous amener qu'à ce triste constat:notre incapacité à expliquer l'erternité...ou est le commencement..la fin...pour l'instant nous n'avons fait que creer le concept...
pour moi, l'utilité du philosophe réside dans ses capacités à nous montrer à quel point les religions sont artificielles et nocives pour l'humanité...
je peux me tromper ,mais j'ai le sentiment que le contexte fait évoluer les religions et les valeurs qu'elles s'approprient et non l'inverse..
si un jour ,les valeurs humanistes triomphent ce sera gràce au travail des philosophes
ce commentaire est interessant,il nécessite des développements que je n'ai pas la prétention de maitriser
et je pense que tout un chacun devrait faire preuve de modestie
sur ce sujet complexe...
By Anonyme, at mercredi, 23 février, 2005
Très vrai il faut le paradis sur terre envers et contre tous...
Auguste Pichonet
By Anonyme, at jeudi, 24 février, 2005
Nous, qui sommes réalistes et si loin des superstitions, au moins nous croyons que le paradis sur terre n'est pas une utopie! Nous croyons a quelque chose qui est beaucoup moins chimérique qu'un "arrière-monde", nous croyons que nous pouvons réellement instaurer le paradis terrestre. Il suffit d'être tous d'accord pour être raisonnable! Regardez Onfray, il n'a pas l'air heureux, ravi, transporté?
By Anonyme, at vendredi, 25 février, 2005
Onfray a raison mais bon il y a quand même des religions qui sont moins scandaleuses que d'autres.
Sheikh Ben'Oït
By Anonyme, at dimanche, 06 mars, 2005
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