De la réintroduction du 4x4 dans son milieu naturel
"Adeline, 24 ans, cadre administratif, plonge le bras dans un seau de gadoue. Et splatch! sur le pare-brise d'un 4 x 4 garé à l'angle de la rue du Molinel et de la place Richebé. «l'idée est de susciter la réflexion chez les conducteurs, plutôt que de provoquer leur colère». Elle est membre du Collectif pour le bien-être du 4 x 4 et milite contre leur présence en ville, mais gentiment. L'idée : le quatre roues motrices s'étiole en hypercentre, où il n'est pas dans son milieu naturel. Le remède : le masque à l'argile. «On ne dégonfle pas les pneus, ce qui obligerait les gens à appeler une dépanneuse au petit matin. On veut faire réfléchir.» Alors, Adeline tartine le 4 x 4 : «On veut les rendre heureux, après tout ils ne sont pour rien dans les choix de leur propriétaire.» Vitres, roue de secours, rétroviseurs, quelques mottes sur le toit. Ça crisse, ca raille, à cause des cailloux : «Pour engager le dialogue».
Avant de partir, Adeline glisse un petit mot sous l'essuie-glace, «pour engager le dialogue». Sur le petit papier, côté pile, l'explication : «Le Collectif pour le bien-être du 4 x 4 s'engage à réintroduire le 4 x 4 dans son milieu naturel, et lutte pour que celui-ci retrouve une qualité de vie décente. Parce qu'on ne met pas un husky en appartement, on ne met pas un 4 x 4 en ville.» Côté face, un message codé : «Trop de grands-mères ? Pas assez de buffles ?» Allusion au «pare-buffles», le pare-chocs des 4 x 4, «dangereux pour les piétons», car, en cas d'accident, il touche les parties vitales, alors que les voitures classiques tapent dans les jambes. Stéphane, enseignant chercheur, et adhérent des Verts : «Daktari en pleine ville, c'est un peu anachronique, non ?» Et puis, le 4 x 4, c'est aussi «30 % plus polluant qu'une voiture normale, pour le même habitacle, et ça abîme les voiries». A ceux qui rappellent qu'un 4 x 4 ne pollue pas plus qu'une vieille R5, elle répond que le propriétaire de la vieille R5 n'a pas de sous, donc pas le choix.
Tout a commencé le jour où Adeline, qui habite les beaux quartiers du Vieux-Lille, où elle roule en vélo, en a eu marre de se faire doubler par des tanks. Avec une vingtaine de copains «entre 20 et 30 ans, étudiants, chômeurs, salariés», ils vont chercher la boue dans la campagne lilloise, sur les terres de sa mère où trotte son poney. Elle ajoute toujours un peu de crottin dudit poney, «pour que ça sente la campagne».
Le collectif demande à la mairie de Lille (PS-Verts-PC) d'interdire les 4 x 4 dans le centre toute l'année, ou au moins en cas de pic de pollution. La mairie fait savoir qu'elle «pourrait l'envisager» en cas de pic, et qu'elle travaille déjà à réduire la voiture en ville. En attendant, ça gadouille. Rue du Molinel, Alex, Julien et Bruno, étudiants en biotechnologie, regardent faire : «Aaaaah, la poignée, c'est vicieux.» Julien : «Y a du crottin de poney dedans ? Alors c'est bien, c'est vraiment un retour à la nature.» La voiture dégouline. «Et voilà, triomphe Stéphane, il est rendu à sa liberté.» Près de la préfecture, boulevard de la Liberté, un autre. Splatch, splatch, splatch. Experte, Adeline badigeonne des grands huit sur les vitres. Stéphane : «Ce que j'aimerais, c'est une webcam, pour voir la réaction du propriétaire.» Pourquoi il ne reste pas pour l'attendre ? Il rigole : «Vous avez vu mon gabarit ?» Bouc au menton, bonne bouille, citoyen exemplaire, mais pas l'armoire à glace. Place de Strasbourg, Stéphane, prudent : «Non, y a un peu trop de passage.» Adeline : «Allez, on se le fait vite fait ?» Stéphane s'extasie : «Et en plus, il a le pare-buffles chromé!» Rue Jacquemars-Giélée. «Là, y a une mine. Y en a un, il est énoooorme, juste en bas de chez moi.» Un Toyota gris métallisé. «Ha, il est beau çui-là.» «Un vrai de vrai.» Et plotch, et scritch, et tartine. Il est 1 heure du matin. Les seaux sont vides. Bilan : huit véhicules tout-terrain dévastés retournés à l'état de nature, une cinquantaine depuis le début des actions du collectif, fin décembre. Prochain raid de boue et de merde vers le 25. "
Vu le prix de vente de ces rutilantes machines, il s'agit bien là du choix parfaitement assumé de certains groupes sociaux désirant manifester leur supériorité (avant tout financière et sociale). Je ne crois pas que le nombre de routes carrossables en France soient en régression ni que le nombre de garde chasse et autres bûcherons soient en augmentation, si bien que le marketing tout puissant de notre civilisation doit bien titiller les consommateurs avec des désirs de puissance, de supériorité et de sécurité pour vendre sa surproduction automobile.
Puissent-ils essayer de manifester leur supériorité par des qualités de tempérance et de générosité (pourquoi ne pas donner plutôt au ONG pour l'Afrique ? Avec 60000 € on en fait des choses, non ?)... Après, effectivement, certains humains ont plus de considération pour leur énorme tas de tole polluant que pour l'intégrité humaine, mais personellement ce point de vue me dépasse.
Balancer de la boue c'est plus que symbolique, l'idée me plait bien. C'est bon enfant et ça pointe du doigt un problème urbain qui devient de plus en plus visible en sensibilisant par la même le Con-somateur. Alors si un peu de boue permet de mettre à jour le problème et de donner envie aux élus de prendre leur responsabilité..
Ca m'a toujours autant sidéré cette attachement vicéral du conducteur a son bolide...
(1) (2)
5 Comments:
Les transports en commun
sont le meilleur moyen
pour notre fiere nation
de pouvoir voyager
dans la belle direction
qui est celle du progres
et de favoriser
dans les rames de metro
la syndicalite
de tous nos cheminots
By Anonyme, at jeudi, 16 février, 2006
Ep Charles Legrand que penserai tu si demain tu retrouverai ta 2 chevaux (le tacot du progrés) pleine de bouze de vache bourrée aux OGM et à la farine animal demain matin???
By Anonyme, at jeudi, 16 février, 2006
"Balancer de la boue c'est plus que symbolique, l'idée me plait bien. C'est bon enfant et ça pointe du doigt un problème urbain qui devient de plus en plus visible en sensibilisant par la même le Con-somateur. Alors si un peu de boue permet de mettre à jour le problème et de donner envie aux élus de prendre leur responsabilité.."
Ce que je crois voir dans la démarche lumineuse de ces chers jeunes gens de Progrès, ce sont les prémisses de la Grande Révolution Socialiste qui couve, depuis le 21 avril, depuis le 29 mai et qui foulera bientôt aux pieds la vieille Société Réactionnaire, la Vieille France des 4*4, des Bourgeois, du Grand Capital, des Actionnaires.
Ah et je suis pour le remplacement des 4*4 par des pousses-pousses, qui seraient tirés par des actionnaires, des fascistes, Jean Marie Sarkozy et ses amis. Cela ferait bien du ménage, tiens.
Hue Sarko,
Jean François Minaudant
By Jean François Minaudant, at jeudi, 16 février, 2006
Cette action est plus que bon enfant. Le problème des 4x4, c'est la réminiscence de conflits de classe qui se caractérisent, en plus de l'achat de bagnoles ultra puissantes et hautes comme des twin towers version ante-2001 par certaines catégories sociales, par une totale non responsabilité. Comme si avoir du fric, c'était être au delà de phénomènes comme le réchauffement climatique ou la montée des cancers du poumon. C'est obséquieux. la boue, c'est aussi montrer qu'acheter un 4x4 pour se balader dans le vieux Lille ou sur les champs est un acte obséquieux et insultant au regard de ce qui est en train de se passer en ce moment. Bref, je suis pour ma part partisan de ce type d'actions symboliques et hautement citoyennes - et, bien entendu, pour l'interdiction des 4x4 en ville. David (www.dunmondealautre.org)
By Anonyme, at dimanche, 19 février, 2006
D'accord mais les 4x4 en campagne ça ne doit rouler que si c'est vraiment utile et non par pur plaisir de bousiller les chemins... Que la boue reste la plus propre possible !
By Anonyme, at jeudi, 30 mars, 2006
Enregistrer un commentaire
<< Home