Lebovitch

Ce matin, je suis allé voir Lebovitch dans son bureau. Je lui ai demandé de faire de la place pour Lévy, Rosenblum et Zéboulon, et de mettre tous ses dossiers traînants par terre dans mon bureau. C'est que Lebovitch accumule des faux dossiers dans son bureau pour faire croire qu'il est surchargé de travail. Tout le monde le sait, mais personne ne dit rien. C'est que gérer un service public n'est pas si simple que le beaufs de droite veut bien le croire. D'abord, je n'ai aucune autorité sur mon personnel. Ils ont parfaitement de me répondre "Non" si je leur demande un travail. Avantage pour moi, je peux refuser aussi du travail, en prétextant que sinon, mon service risque de se mettre en grève. Ensuite, si je rempli mal les statistiques je risque d'avoir des problèmes. Une années j'ai un peu trop forcé la dose, et des types ont débarqué 6 mois après pour étudier nos méthodes de travail ! Je vous demande un peu ! Bon, j'ai bien sur répondu que c'était le résultat d'un effort permanent pour une bonne communication entre les service et l'esprit d'équipe. Ils ont pondu un rapport qui à du finir archivé ont ne sait ou, sur "Evaluation de Méthode de Développement de la Productivité Sociale". Mais d'un autre coté, si je sous évalue mes chiffres, alors mon budget risque de diminuer. On aurait alors moins de crédit pour embaucher des contractuels. Et là, ca serait la grève assuré ! Car enfin, nous ne sommes pas là, nous n'avons tout de même pas fait toutes ces études, passé tous ces concours pour faire du travail bas de gamme ! C'est le rôle des contractuels de nous débarrasser des tâches fastidieuses. Cela me permet de dégager du temps de réflexion. C'est important la prospective. Je consacre au moins deux heures par jour à réfléchir à l'avenir. C'est le rôle des fonctionnaires. Les gouvernements passent, les hommes politiques circulent, nous seuls, nous sommes l'Etat. L'homme politique débarque avec ses idées et ses lubies, mais nous, nous savons. Heureusement que grâce à nous des tas de mesures toute plus bêtes les unes que les autres sont proprement enterrées. C'est comme ce logiciel qu'on veut nous imposer, qui surveille l'activité des ordinateurs pour voir si les gens du ministère surf ou travail. Coup de chance, la première fois qu'on l'a utilisé, il a planté. "Pas au point, plante, inutile de l'installer", l'information à vite circulé à travers le Bureau. Il y avait un jeune qui voulait absolument appeler l'informaticien -un gars bizarre et barbu et qui parle un langage incompréhensible et ne travail pas avant 3 heures de l'après midi- mais pourquoi dépenser l'argent public pour un logiciel issu du privé qui devrait fonctionner ? Alors nous le renverrons, stipulant qu'il est inutilisable, après la période d'essai, dans 5 à 8 mois. En général j'inscris une augmentation de "productivité" de 5 à 10 %. Une année j'avais confié le travaille à un contractuel. Et bien imaginez-vous que cet abruti est allé collationner les vrais chiffres ! Un catastrophe donc ! Car j'ai été convoqué pour savoir la raison de la division par deux du nombre de dossiers traités -mauvais pour ma carrière, ca. J'aurai pu me retrouver sur le terrain on ne sait trop dans quel ministère, avec des "usagers" hurlants parce qu'on leur réclame 150.000 € indûment. Merci bien. Il faut dire qu'au finance, ils saisissent d'abord, ils discutent ensuite. Mais est-ce vraiment une raison pour en faire toute une histoire ? Avec tout ce qu'on fait pour eux, les usagers devraient être un peu plus reconnaissant tout de même. Heureusement, en "haut lieu" on à préféré écraser l'affaire (because budget..), je suis resté à mon ministère, et j'ai pu corriger les chiffres. Remarquez que de toute façon, je sais bien que je ne risquais rien, j'ai signé un contrat, et le syndicat veille, mais mieux vaut faire l'inquiet dans ces cas là. C'est que nous sommes en concurrence avec les autres bureaux pour les crédits. D'ailleurs, ca prouve bien que ceux qui critique l'administration n'y connaissent rien : chez nous aussi la concurrence fait rage.

"-Mais pourquoi doivent-ils quitter leurs bureaux pour venir ici ?
-C'est qu'on va le refaire.
-Mais il a été refait il y a moins d'un an !" Et là, idée de génie de ma part :
-Certe, mais cela vient de haut. Vous savez, ces gens là, "Ils" ont le bras long"
-Qui ca "ils" ?
-Et bien, "eux" !
-Ah, "eux".. "
J'AI MA PREUVE ! Et voila Lebovitch piponé comme un busard !
En tous cas, la piste semble prometteuse.

Sur ce je vais voir Lévy, Rosenblum et Zéboulon pour leur annoncer leur déménagement.
"-Nouveau bureaux, crédit illimité.
-Ah bon ?
-Oui, oui, tenez, voici des catalogues, faites votre choix. Sinon, pendant ce temps vous irez chez Lebovitch. Vous savez Lebovitch, enfin, il est, ses opinions, comment dire, disons que si vous avez le moindre problème avec lui, s'il vous fait des réflexions, il faut m'en avertir."
Ils me regardent avec des yeux ronds. Je me demande s'ils ont bien compris le message, mais aller plus loin serait compromettant pour moi. Or j'attend une promotion, ce n'est donc pas le moment d'avoir un scandale sur les bras.
"-Bref, bon courage !"
Et je les quittent, pour aller boire un café à l'autre bout du ministère, histoire de me mettre au courrant des dernières nouvelles.